mercredi 27 mars 2013

Communiquer, pour dire quoi ?

On entend souvent dire que la communication est l’art de dire ce que les gens ont envie, ont besoin d’entendre à un moment donné. On raconte une histoire, qui correspond à un instant t, dont on ne se préoccupe pas de connaître la véracité, les fondements, pourvu qu’elle soit bien ficelée, et qu’elle tombe à point nommé (et fasse gagner des parts de marché -ou des votes).
Quelques temps après, nouvelles préoccupations, on recommence, nouvelle époque, nouvelle histoire.

Et tant pis si ces histoires sont contradictoires, entre elles, mais aussi avec la propre histoire ou les valeurs réelles de celui ou celle (personne physique ou morale) qu’elles sont censées raconter : l’Homme est ainsi fait qu’il aurait la mémoire courte.

C’est une erreur majeure, à plus d’un titre.

Si cette méthode s’inscrit bien dans l’air du temps, centré sur la recherche de l’immédiateté et du profit à court terme, elle est périlleuse sur le long terme.

Elle révèle d’abord une conception péjorative de son audience, qui ne serait pas à même de faire le tri, distinguer ce qui relève de la posture de l’essentiel, qui n’aurait pas de mémoire, et se laisserait convaincre sans réflexion ni distanciation, juste parce que l’histoire est belle. Oui, tant que l’histoire est belle, et cohérente, sans faux-pas.

L’avènement des nouvelles technologies a ainsi considérablement rebattu les cartes, en cela que les citoyens, les consommateurs, ont maintenant à disposition, d’un clic ou presque, l’ensemble du tableau, les informations assumées comme celles qu’on souhaiterait cachées.

S’il était possible au siècle dernier de verrouiller sa communication, y compris par de manière coercitive, car seuls quelques acteurs étaient en jeu, c’est devenu mission impossible aujourd’hui. Tout un chacun se transforme de facto en reporter sur le terrain, son smartphone à la main, servant tour à tour de bloc notes, appareil photo, caméra. La diversité des médias, allant du blog personnel à nombre de médias plus ou moins spécialisés ou professionnels, donne la parole à tous, et forme potentiellement une énorme caisse de résonance. Alors les dissonances finissent par apparaître, et si la véritable histoire n’éclate pas forcément, pas toujours, au grand jour, le mal est fait, et la crédibilité, définitivement entamée. La défiance se généralise, le cynisme également, et la certitude -erronée ou pas, là n’est pas le débat- que l’entreprise (ou le politique, puisque les conseillers sont souvent les mêmes) n’ont pour seul objectif que la recherche du profit sur le dos du consommateur, au mépris de toute valeur.

Et dans un monde où tout le monde proclame la chute des valeurs, le besoin de se raccrocher à des choses stables, les marques, à leur tour, sont décrédibilisées, durablement.

Communiquer, c’est partager, être en relation avec. Comment partager quelque chose, si cette relation est fondée sur une histoire biaisée ? Comment établir une relation de confiance sur le long terme, un véritable attachement à sa marque, si ce que nous disons de nous n’est qu’une réalité transformée, à notre avantage seulement ?

Parler de soi, de ses valeurs est exigeant. Cela implique d’abord de se connaître, en profondeur, ce qui fait notre histoire, notre culture, nos valeurs, comment nous les mettons en pratique. C’est aussi assumer nos imperfections.

Communiquer n’est pas sublimer une histoire, parler de celui que l’ont aimerait être, de l’image qu’on aimerait donner de soi. C’est prendre un risque, révéler ce que nous sommes, décider comment, et à qui. C’est évaluer les différentes options, leurs avantages et leurs inconvénients, et être prêt à assumer son choix, ses incohérences.

C’est une approche plus exigeante certes, mais la seule payante sur le long terme.


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